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Liberté, foulées, fraternité, 2500 km de trail en Himalaya

07

Un dépouillement salvateur

Afin d’être mordant (un peu), François Suchel n’aura pas le Pulitzer, c’est certain. Et pourtant, son livre est agréable à lire. Il n’y a pas d’effet de style mais le récit mérite que l’on s’y attarde : 2500 kilomètres de trail en Himalaya, seul, parfois avec sa compagne ou un ami. Dans cette histoire vécue, pas de lyrisme, un ton juste, une vraie ligne, de l’engagement (souvent), de la sobriété, du mollet (et du dos !). On aime aussi la démarche minimaliste : un seul T-shirt (il s’est débarrassé du deuxième en cours de route, trop lourd, superflu !), un sac de couchage, une veste, des bricoles, un sac pour fourrer le tout et des chaussures qui l’ont hissé au sommet des cols qui flirtent avec les 5000 mètres (le Bali Pass par exemple : 4960 m)… À l’heure où les sportifs emploient un fatras d’équipement, ce dépouillement semble salvateur et… courageux. Car c’est une chose que de lire son récit dans le confort de son salon, cela en est une autre que de s’imaginer marcher dans la neige, bivouaquer au dos d’un rocher dans le froid de l’altitude. On peut parler d’engagement dans ce trail, un terme qui ne sied pas aux courses formatées et organisées sous nos latitudes. Il faut voir François Suchel en photo, dans un bain public à Yamunotri : un corps émacié par les efforts et l’alimentation humble. L’auteur ne donne pas de leçons, juste l’envie aussi de partir côtoyer le grand air des cimes, de Dharamsala (Inde) à Katmandou (Népal), soit : 105 000 mètres de D+. 

Editions Glénat. Hommes et montagnes. 

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En l’absence de classement final

06

Quelle maestria ! Quelle imagination !

Voici un excellent livre pas loin d’être indispensable. Il s’agit d’un recueil de nouvelles, à la fois bizarres, parfois drôles, ciselées, souvent mâtinées de mélancolie comme le souligne lui-même le jeune auteur Tristan Garcia. Mais quelle maestria ! Quelle imagination, quel sens du détail et de la psychologie sportive… Avec des airs de ne pas y toucher, l’auteur nous raconte l’envers du décor, quand tout part à vau-l’eau, quand le doute pernicieux s’installe et grippe la belle machine du sportif… Chaque nouvelle aborde un sport et des pays différents. Les chutes peuvent être inattendues, surprenantes, cocasses ou dramatiques. La même question hante toutes ces histoires : la souffrance des corps dans le sport a-t-elle un sens ? Y a-t-il un salut si les efforts ne sont pas récompensés ? On saute d’une nouvelle à l’autre, un vrai régal. On découvre un KO vécu de l’intérieur par le boxeur Chuchu Fuentes : « juste avant que mon corps ne s’effondre sur le ring, une lumière, comme un court-circuit. (…) J’ai vu Dieu nu dans le noir ». Et l’histoire de César Léon, sympathique cycliste professionnel en proie à un manager d’équipe véreux : magouilles inventives, triches acrobatiques, sang et rebondissements à gogo ! On quitte ce livre à regret, mais on sait que Tristan Garcia propose là une version « élaguée » de nombreux textes écrits pour un ouvrage en devenir qui l’a dépassé (et qui n’a malheureusement pas vu le jour). On signe pour la suite…

Éditions Gallimard.

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Le sport porte en lui le tout de la société

05

Idéal pour s’endormir…

Avec ce petit ouvrage qui est en fait un regroupement d’une série d’entretiens réalisés à l’INSEP, le grand Edgar Morin déroule une série de poncifs qui pourraient prêter à sourire… quand ils n’attirent pas les bâillements. Heureusement, ce livre de cinquante-sept pages est d’une bienvenue brièveté. Ces dix euros d’investissement ne servent même pas à caler une armoire normande bancale. On est bien loin de l’auteur de la Méthode qui jonglait avec brio avec l’idée d’interdisciplinarité. On peut donc être amateur de football et passer totalement à côté du sujet sportif ou tenter un enfumage digne d’un sociologue à l’aura jusqu’à maintenant intouchée (intouchable ?). Le titre du lire reflète ce style gonflé de tautologies qui n’impressionne plus que dans certains salons de la gauche caviar. On lui laisse le mot de la fin, après, on le ramène à l’Ehpad : « le sport est un phénomène multidimensionnel, avec des aspects économiques, sociaux, psychologiques, ludiques, physiques… (…) Donc le sport, comme toute chose, mérite une pluralité de regards. » Une belle porte ouverte enfoncée, non ? 

Éditions : Cherche Midi.

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LA COURSE SECRÈTE

04

Ouvrage choc sur le dopage dans le cyclisme

Il est presque de salubrité intellectuelle, voire publique, de se replonger de temps en temps dans des ouvrages fondateurs, histoire de ne pas oublier ce qu’on fait certains personnages, notamment dans le cyclisme. « La course secrète », appartient à cette famille restreinte et courageuse d’ouvrages chocs sur le dopage dans le cyclisme. On se souvient, bien entendu, de Massacre à la chaine de Willy Voet (1999, J’ai Lu), de L.A Confidentiel (David Walsh et Pierre Ballester, 2004, La Martinière), From Lance to Landis (David Walsh, 2007, Ballantine Books, Rouler plus vite que la mort (Philippe Brunel, 2018, Grasset)… Tous ces livres racontent la « glorieuse » période du dopage pratiqué en quasi impunité à partir de 1998. 

Un système, ou plutôt un engrenage…

La Course secrète est le témoignage incroyable et décoiffant de Tyler Hamilton, coureur professionnel qui livre au grand jour toutes les combines, tricheries auxquelles les coureurs se sont livrés en ces temps (avec cette question en filigrane : le dopage a-t-il aujourd’hui diminué ou a-t-il revêtu d’autres formes ?). La confession de Tyler Hamilton est terrible, elle décrit un système, ou plutôt un engrenage dans lequel le coureur professionnel est quasi obligé de mettre un doigt, un bras puis le cuissard entier pour finir avec son âme : une tragédie quasi faustienne. La description de cette descente aux enfers, de cet abime sans fond de solitude et de mensonges fait froid dans le dos. On finit par éprouver même de la compassion pour ces coureurs tous talentueux qui n’ont pas d’autre choix pour réussir et sortir du lot. Mais le tableau est horrible, le chemin semé de doubles voire triples vies où les poches de transfusion sanguines sont scotchées sur les vitres des bus des coureurs, où les doses d’EPO (appelées « Edgar », qui sonne comme Edgar Poe) sont planquées au fond de glacières ou acheminées par motard volant alors que les seringues sont broyées dans des cannettes de Coca et jetées bien loin des scènes de triche… 

Un personnage toxique, imbuvable et malhonnête…

Ce récit embeded est comme un polar noir, au fil des révélations, on attend le châtiment final, qui, dans le cas de l’US Postal et surtout de Lance Armstrong s’est fait attendre. Il a fallu que l’individu remporte sept tours de France, qu’il menace des coureurs, qu’il se livre à des filatures et du hacking d’ordinateur/téléphones, qu’il arrose de pots de vin l’UCI (qui l’avertissait des contrôles anti-dopage), qu’il balance aux contrôleurs de l’UCI son ancien équiper de l’US Postal au lendemain de sa victoire au Mont Ventoux, qu’il mette à mort le business de Greg Lemond (dont la marque de vélo était distribuée par Trek, le sponsor de Lance), qu’il mente avec un aplomb digne d’un arracheur de dents… La litanie des vilénies de Lance Armstrong est longue comme un péplum. On savait ce personnage éminemment toxique, imbuvable et malhonnête mais quand on lit La Course secrète, l’écœurement domine. Tyler Hamilton n’avait que deux options : s’enterrer dans le mensonge ou prendre la voie des aveux et de la rédemption. Ce livre passionnant raconte ce très long chemin. Des pages à dévorer pour ceux qui auraient loupé cet épisode peu glorieux du cyclisme. 

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NATURELLES

03

Sans dogme ni absolues certitudes scientifiques…

Ida Nilsson, Mimmi Kotka, Emilie Forsberg nous livrent un ouvrage très sympathique à plusieurs entrées : par saisons, par courses, ou par recettes. Car ces trois filles, appartenant à l’élite de la course à pied dévoilent leurs habitudes alimentaires. Le tout sans dogme ni absolues certitudes scientifiques ou militantes. A l’image de ce qu’elles sont, les recettes sont simples, intelligentes, ludiques, respectueuses de la planète et des organismes, que l’on sportif ou non. On tourne les pages sans subir d’académisme ennuyeux. Toutes les informations sont le fruit de leurs expériences respectives à plus haut niveau. Avec, un respect de la nature et la mise en avant de produits sains. On découvre les bienfaits du jus de betterave pour les sports d’endurance ou l’art de Kombucha et même le Chaga, ce champignon comestible qui pousse sur certains bouleaux. 

Pour échapper aux produits artificiels, bricolés et sur-raffinés 

Pour ceux qui veulent se lancer dans la réalisation de ses propres barres de céréales ou gels, quelques recettes sont également disponibles. Ce gros livre (262 pages), très bien illustré est à laisser sur l’étagère de la cuisine pour y puiser de bonnes idées ; comme il est dit quelque part dans Natur’ Elles « Pour échapper aux produits artificiels, bricolés et sur raffinés ». 

Les récits de course par les trois filles sont également dignes d’intérêt car ce sont des histoires « embeded » de très beaux trails sur toute la planète. Des récits riches d’enseignements comme celui de Mimmi Kotka et sa Diagonale des Fous de 2016 qui vire au cauchemar… Éditions MONS.

 

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LE COUREUR ET SON OMBRE

02

Un Attila de l’écriture vélocypédique… 

Olivier Haralambon est un Attila de l’écriture vélocypédique : une fois qu’il est passé, plus rien ne repousse. Après lui, comment écrire des choses pertinentes sur la petite reine ?  Ancien coureur professionnel, c’est aussi un écrivain délicat, solide, intelligent qui ne laisse plus grand-chose aux autres auteurs en matière de vélo : il a clairement tout écrit. Les sensations sur la machine, les plus infimes soient-elles, les questions du sens de l’art du pédalage, les plaisirs de cette pratique tout à fait inutile mais nécessaire…

« Il ne déchirait son corps que pour renforcer son égo»

Dans ce livre, comme dans les autres (Les coureurs imaginaires, Olivier Haralambon, éditions Premier Parallèle, 16 euros), il se sert de son expérience, de ses rencontres et de son œil aiguisé pour dresser une galerie de portraits empreints de vérité sociale (Le Reconverti) parfois totalement improbables comme celui de Jésus ou criant de vérité quand il s’empare de l’histoire de Lance Armstrong et de ses gonades : « il ne déchirait son corps que pour renforcer son égo». Nous sommes définitivement fans de cet auteur qui tient une place à part dans notre bibliothèque sportive.

Premier Parallèle éditions

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Nager aide à vivre (et rend intelligent)

01

Un petit livre illustré, truculent…

Le parcours d’une minette qui se met à la natation et jette un regard décalé, curieux et plein d’humour sur cette pratique et le faune très spéciale qui côtoie les bassins. Soit l’ivresse du chlore. Le best off : « le panneau le moins respecté du monde : nageurs rapides ». « Je crois que je n’ai jamais vu un maitre-nageur dans l’eau… ». Le grand livre du savoir-vivre en piscine : «on évite de tripoter les orteils du nageur devant soit, c’est passif-agressif et personne n’aime ça ». L’omerta : « on ne parle jamais des gens qui font pipi dans l’eau, ni des choses suspectent qui nagent entre deux eaux, ni des pansements en suspension. Non, de tout cela on ne parle pas, car cela n’arrive jamais ». Le dos brassé (ou la nage envahissante) : « nage complètement inventée, requiert une envergure folle inversement proportionnelle à la vitesse générée, indoubable ». Une dernière pour la route : l’orthographe exacte de pull-buoy. 

Cet excellent livre est une très bonne idée de « petit » cadeau. 

Hélium éditions.