07 / 10 / 2020
J’ai commencé à dévorer des magazines quand j’avais dix ans. La course automobile me fascinait. Je lisais tout. Quelques années plus tard, la moto était une suite logique, elle était davantage à ma portée. Entre potes, on craquait sur l’attitude et la vitesse de Bob Hannah aux USA, Allessandro Gritti en enduro, Kenny Robert sur les ovales, pour ne citer qu’eux. Moto Verte, Moto Revue ont suivi Sport Auto, Virage et autres titres de l’époque. Les magazines étaient autant de « portes » que moi comme d’autres lecteurs, nous empruntions pour se projeter dans les univers de nos passions. La vie et le monde était à l'autre bout de ce "fil".
La vague d’émotion sur les réseaux sociaux est immense…
Je ne sais plus quand je suis tombé la première fois sur SURFER. Sans doute à peu près à la même époque que les premiers Wind qui parlaient d’Hawaii. Il y avait une similitude entre ce qu’on pouvait ressentir au contact des univers de la moto offroad et le surf. C’était une question de liberté, d’aspiration à la liberté, d’engagement aussi, de passion pour ce qui bougeait fort. D'horizons lointains, de découverte du monde, d'aventure aussi. Fabrice Valéri d’Oxbow avait compris ça (le lien entre surf et moto), c’était aussi un ancien pilote de MX. Dare Jennings également qui a créé Deus Ex Machina bien plus tard. Ce lien vient de la conception californienne de la moto. De la vie je serai tenté de dire. Je rappelle que Bruce Brown le réalisateur de "Endless Summer", film culte des surfers a aussi été l’auteur de "On Any Sunday", long métrage culte des passionnés de moto.
Revenons au surf. Très rares sont les magazines à avoir eu autant d’impact que ce qu’a eu SURFER. Dans le monde entier, bien avant le net. L’éditeur vient d’annoncer la fin de la parution et la vague d’émotion sur les réseaux sociaux est immense. Nous sommes en 2020, à l’ère d’Instagram et tout le gotha des surfers de par le monde parle de la fin d’un mythe, se rappelle un souvenir, un surftrip ou une couverture. En fait, la revue aura surtout incarné une communauté, c'est ce que tout ça dit aujourd'hui. Acheter SURFER, le lire, c’était mettre un pas dans l’église. Faire partie du mouvement.
Plus de marketing, moins d'esprit, moins de recul, moins de récit.
Ce qui est le plus dingue, c’est qu’elle a aussi été la référence pour les photographes, les directeurs artistiques, tous ceux qui voulaient faire un magazine le plus fou et le plus créatif possible. J’ai été abonné plus de dix ans, une grande partie de ma culture visuelle vient de là. A la limite, j’ai été photographe bien avant mon premier appareil photo.
La disparition de SURFER ouvre un autre débat. La transmission d’une passion. Chaque époque doit avoir ses médias, mais si aujourd'hui les sources sont multiples, la disparition progressive des magazines et de la philosophie qu’ils portaient pourraient manquer. Plus de marketing, moins d'esprit, moins de recul, moins de récit.
Un jour, je me suis retrouvé derrière une grille de départ en motocross. Un jour, je me suis retrouvé à Hawaii avec un stylo et un appareil photo, c’était quasiment écrit quand je regarde en arrière. J’ai voulu transmettre ce feu intense que les magazines m’avaient apporté. Je suis passé de l’autre côté du miroir. Je voulais dire par là, le pouvoir qu'avait la presse spécialisée.
Surfing forever
Un dernier mot sur SURFER. Regardez bien la couverture avec les mots sur Surfing Forever. "If you don't ever plan to quit, this means you plan on surfing forever". Ce magazine américain s’interrogeait régulièrement sur les fondements de la passion pour le surf, sur le « pourquoi ». Ça m’a beaucoup influencé. Je pense qu'il y a un peu de ça dans ce que j'ai fait par la suite.
Merci à SURFER et aux autres rédactions qui m'ont fait rêver et avancer.
Thierry Seray / www.codezero.fr
Une référence pour les photographes, les directeurs artistiques
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